Pierre-Antoine Baele : “Le soutien de mes mécènes me met dans les meilleures conditions pour pratiquer mon sport.”

Pierre-Antoine Baele, paratriathlète âgé de 31 ans, incarne la détermination et la résilience. Né avec une agénésie du pied gauche, il a su transformer son handicap en force, embrassant le défi du paratriathlon avec passion et détermination.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Pierre-Antoine Baele, j’ai 31 ans et je suis paratriathlète depuis maintenant 7 ans.

Avez-vous un métier en dehors de votre vie sportive ?

Oui, je suis technicien d’exploitation PC Metro à Lille et grâce à mon entreprise Keolis Lille Metropole, j’ai un emploi du temps aménagé pour pouvoir m'entraîner.

Pouvez-vous nous parler de votre discipline et de votre handicap ?

Le triathlon, c'est l'enchaînement de trois sports. On commence par la natation, on enchaîne avec du vélo et on termine par la course à pied. C'est un sport très complet. 

Au niveau de mon handicap, je suis né avec une agénésie du pied gauche, je suis né sans pied donc je suis appareillé depuis le plus jeune âge.

Pour pratiquer le sport, j'ai une prothèse spécifique pour la course à pied et une autre pour le vélo. En plus de ça, j'ai une troisième prothèse : une prothèse de marche, pour la vie de tous les jours. 

Comment et pourquoi vous êtes-vous dirigé vers le paratriathlon ? 

C’est une très bonne question ! J'ai découvert le monde du handisport grâce à l’athlétisme. C’est à cette période que j’ai eu ma première prothèse de sport avec la fameuse lame de course.

Au bout de 4 ans, j'ai eu envie d'un nouveau défi. J'avais envie de commencer le vélo. Je me suis dit pourquoi ne pas essayer le triathlon, parce que je n'avais pas forcément envie d'arrêter la course à pied. Le triathlon, c'était le bon compromis mais j’ai dû apprendre à nager.

Depuis 7 ans, je prends énormément de plaisir dans ce sport. C'est un sport qui est très complet, avec un bon esprit. Il y a un esprit de famille au sein du club et ça aide beaucoup pendant les grosses séances d'entraînement. 

Pouvez-vous me parler de votre palmarès et éventuellement des compétitions que vous avez pu faire ?

Le palmarès n'est pas encore très étoffé, mais ça fait maintenant 2 ans que je suis au plus haut niveau. Je suis 2 fois vice-champion du monde, deuxième derrière Alexis [Hanquinquant]. Puis, l'an dernier, j'ai été vice-champion d'Europe également. Cette année, je suis troisième. Depuis que je suis au plus haut niveau, je suis tout le temps sur les podiums à chaque coupe du monde et à chaque compétition internationale. Donc, c'est de bon augure pour la suite.

Et justement, par rapport à votre relation avec Alexis, qui est un peu votre rival finalement, avez-vous une bonne relation tous les deux ?

Oui, on peut parler de rivalité forcément, vu qu'on est dans la même catégorie. Et lui, si je ne me trompe pas, ça fait 6 ou 7 ans qu'il gagne quasiment toutes les courses. Il est 6 fois champion du monde, champion paralympique en titre, c'est un sacré monsieur et j'ai eu la chance de l'avoir quotidiennement avec moi lors des regroupements de l'équipe de France. C'est un bel athlète qui partage beaucoup, donc notre relation est assez saine. C'est de la concurrence saine et c'est ce qui nous pousse vers le haut tous les deux. C'est une très bonne chose pour nous et pour l'équipe de France.

Est-ce qu'il y a sportif ou un entraîneur, pas nécessairement dans le triathlon, que vous admirez particulièrement ?

J'aime bien regarder un peu partout ce qu'il se passe, et des athlètes comme Teddy Riner, ce sont des athlètes que j'admire parce que ce n'est pas facile de gagner. Ils ont été au plus haut niveau pendant des années, et c'est inspirant, tout comme Alexis qui est lui aussi inspirant. Ça fait six années qu'il est champion du monde. Donc voilà, j'essaie de regarder un peu ce que ces athlètes ont mis en place pour devenir aussi forts et j'essaie de prendre ce qui me convient.

Vous avez dit avoir remporté plusieurs médailles lors des Championnats du Monde. Quels sont maintenant vos objectifs personnels, notamment à l'approche des Jeux Paralympiques de Paris 2024 ?

L'objectif principal était de me qualifier, d'abord et avant tout, pour participer à mes premiers Jeux, à domicile. C'est une expérience incroyable à vivre, donc j'ai vraiment envie de faire partie de cette aventure. J'attends maintenant la suite des événements. Je pense avoir réalisé une belle saison et rempli les critères de sélection pour les Jeux. Donc, maintenant, je vais essayer de continuer sur cette lancée et de me préparer au mieux pour cette compétition. Mon objectif est d’aller chercher la médaille aux Jeux Paralympiques. Ce serait tout simplement incroyable de réussir cela devant notre public. De plus, le fait d'être à la maison, ça ouvre de nombreuses possibilités et ça permet à mes proches de venir m'encourager sur le parcours. Donc, remporter une médaille aux Jeux, ça serait une formidable façon de récompenser tout le travail accompli et de partager cette réussite avec tout le monde.

Qu'avez vous pensé du test event à Paris ? Comment l’avez-vous vécu et qu'est-ce que vous pensez du parcours?

C'était déjà une course extraordinaire. Le parcours en plein Paris, à côté des beaux monuments, c'était que du kiff. Pendant la course, forcément, je ne me suis pas rendu compte de tout ça, mais sur les reconnaissances, sur l'installation du vélo le jour de la course dans le parc, avec le soleil qui se lève sur le pont Alexandre III, c'était un moment hors du commun. Courir avec une vue sur la Tour Eiffel, c'était très chouette.

On a senti beaucoup d'engouement, il y avait pas mal de monde, pas mal d'encouragement au bord du parcours, et ça c'est quelque chose dont on n'a pas forcément l'habitude. C'est bien que cette course a eu lieu avant les Jeux, ça permet de se plonger un petit peu dans l'ambiance.

Finalement, c'est un parcours que j'apprécie, qui correspond bien à mon profil. La notation dans la Seine, ce sera forcément un peu différent, il y aura le courant à gérer. Mais, le parcours vélo et le parcours de course à pied, ça va être cool. J'espère qu'il y aura beaucoup de drapeaux bleu, blanc, rouge le jour des Jeux pour nous encourager. 

En parlant de natation et du fait de nager avec du courant, comment vous préparez-vous à cela ? Et en général, comment vous préparez-vous pour un événement aussi important ?

On aborde chaque compétition différemment, avec mon coach et toute mon équipe. Forcément, je ne suis pas seul. Je me prépare mentalement et physiquement avec l’équipe. Parmi eux, il y a mon prothésiste. Grâce à lui, j'ai des prothèses bien réglées. On s'y prépare sereinement et on aborde chaque compétition les unes après les autres, en essayant d'être le plus performant possible. Quand on sait qu'on va courir, on essaye d’aller faire des entraînements plus régulièrement. On a aussi la chance de pouvoir analyser les parcours, notamment sur les parcours de vélo, on s'entraîne en fonction du nombre de relances. On essaye de se projeter au maximum sur les différents parcours et les différentes particularité des parcours, et de s’y préparer au mieux, en amont, sur les entraînements 3 à 4 semaines avant.

Votre prothésiste fait une prothèse qui est adaptée à l'épreuve, avec un réglage particulier, comment cela se passe ?

Non, pas forcément adaptée à l'épreuve, mais surtout adaptée à moi, à mon évolution et à ce que je ressens et ce que je lui demande. Donc là, on est en train de retravailler encore les prothèses pour qu’elles soient les plus performantes possibles pour les Jeux. Et pour ça, on est en contact permanent.

Quel est le prix d’une prothèse ?

Le prix d'une prothèse est pour l'instant encore beaucoup trop élevé, surtout qu'elle n'est pas prise en charge par notre système de santé, et c’est là le principal problème. Une lame de course coûte 2500 euros, mais ensuite il faut ajouter l'emboîture et les manchons. Chacun de ces éléments coûte environ 1000 euros, donc on tourne autour de 5000 euros pour une prothèse de course à pied. C’est donc un coût très élevé que tout le monde ne peut pas se permettre de financer. Aujourd’hui, c’est pour cette raison que nous avons des associations qui sont là, notamment pour les plus jeunes, qui fournissent des lames de course pour qu’ils puissent courir comme leurs camarades dans la cour. C’est notamment le cas de l’association Lames de Joie, dont je suis l'ambassadeur. C’est une association qui fournit gratuitement sans condition de ressources, des lames de course aux familles pour que leurs enfants puissent courir. Et ça, c’est une très bonne chose.

Et par rapport à ces enfants-là, vous qui êtes sportif de haut niveau, vous êtes passé par là quand vous étiez enfant également. Qu’est-ce que vous diriez à un jeune enfant qui voudrait justement faire de la course à haut niveau comme vous ?

Moi, je n’ai pas eu la chance d'avoir ma lame de course quand j’étais jeune. Je ne savais même pas que ça existait, j’ai eu ma première lame de course à 20 ans. En fait, l’idée c’est surtout d'en parler, de faire connaître l’association, de la faire connaître aux familles qui en ont besoin. Il faut qu’elles sachent qu’il existe des associations qui prêtent ou donnent des lames pour pratiquer du sport. Et selon moi, c’est le plus important, parce que quand j’étais plus jeune, je n’avais pas connaissance de ces associations. Et peut-être qu'aujourd'hui, je n’en serais pas là. Je serais peut-être encore plus fort ou mon parcours de vie aurait été différent. Mais en tout cas, il faut saisir cette chance, parce qu'une lame de course pour une personne amputée, c’est quelque chose d’extraordinaire, c’est vraiment une belle expérience dans la pratique sportive. Et c’est important. Je pense que le sport est important pour se développer, pour rencontrer du monde, et surtout aussi pour accepter son handicap. Donc voilà, s’il y a des doutes, il ne faut pas hésiter, il faut se lancer.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

J’ai un parcours un peu particulier. J’ai commencé à travailler avant de me lancer dans le sport de haut niveau. Mon entreprise Keolis Lille m’a toujours soutenu dans mon projet sportif. Au début, quand j’avais besoin de fonds pour financer mon matériel, ils m’ont soutenu. Et puis après, progressivement avec les résultats qui sont arrivés, on a mis en place avec ma fédération ce qu’on appelle un CIP, un contrat d’insertion professionnelle. C’est un contrat en trois parties entre l’Agence Nationale du Sport, la fédération et mon entreprise. Donc, ils financent mon salaire à eux trois. En contrepartie, j’ai un emploi du temps aménagé qui me permet de garder un pied dans le monde du travail. C'était un souhait personnel. Et j’ai également plus de temps pour m’entraîner et être performant. Et ça c'est le plus important dans notre projet sportif : être performant pour obtenir une médaille à Paris. Mais ce qui est important pour moi, c’est aussi de garder un pied dans l’entreprise parce que j’ai besoin de voir autre chose que mon sport. Et je sais aussi que le sport peut aller dans un sens comme dans un autre. Du coup, j’assure mon avenir par la suite.

Comment la Fondation du Sport Français vous accompagne avec le dispositif Pacte de Performance ?

C"‘est un soutien important parce que sans la Fondation du Sport Français et l’Agence Nationale du Sport, il serait difficile d’avoir quelque chose d’aussi bien que cette CIP. Cela me met dans les meilleures conditions pour pouvoir pratiquer mon sport, m'entraîner au quotidien et surtout progresser. Donc, sans ce soutien, tout cela ne serait pas possible.

C’est aussi grâce à la Fondation du Sport Français que j’ai été mis en relation avec les entreprises Espace Freelance et Mazars, qui me soutiennent financièrement aujourd’hui à travers le dispositif Pacte de Performance.

Et quelles sont les initiatives que vous menez auprès de vos 2 entreprises mécènes ?

J’interviens parfois lors de petites réunions ou pendant des ateliers de travail collectif.

Vous disiez que c’est très important pour vous de garder un pied dans l’entreprise, est-ce que vous pensez que ça aurait pu être possible de continuer à haut niveau sans un accompagnement financier ?

Initialement c’est du travail à plein temps donc sans l’aménagement des horaires, ça n’aurait pas pu être possible. Le triathlon demande beaucoup d’entraînement, je m’entraîne entre 25 et 30 heures par semaine sans compter les séances de préparation mentale, les séances de récupération chez le kinésithérapeute. Forcément, le fait d’avoir un emploi du temps aménagé et des aides financières, ça permet de progresser et d’être plus performant. Je me suis longtemps entraîné lorsque je travaillais à temps plein et je pouvais m’entraîner maximum 15 heures sur la semaine. Maintenant, grâce à mon emploi du temps aménagé, je peux m’entraîner beaucoup plus longtemps et c’était indispensable pour avoir une chance de me qualifier pour les Jeux.

C’est aussi un soutien psychologique qui vous permet de vous entraîner sereinement ?

Oui, c’est aussi un soutien psychologique parce que le fait d’être soutenu comme ça, c’est un soulagement. Je peux me concentrer pleinement sur mon sport, je ne dois pas me dépêcher à la sortie du travail pour aller aux entraînements. Et derrière, j'ai aussi du temps pour récupérer, parce qu'à ce niveau-là, l’une des choses les plus importantes, c'est la récupération entre les séances pour progresser et pour permettre d’enchaîner les séances d’entraînement. C’est pour cela que c’est un soulagement. Grâce à ces soutiens et cet aménagement, j’arrive à poursuivre ma progression et ce rêve de faire les Jeux devient un réel objectif. Sans tout cela, ça aurait été très très compliqué.

Souhaitez-vous dire un dernier mot ?

L'association Lames de Joie est là pour accompagner des familles qui sont dans le besoin, pour que les enfants amputés puissent courir avec des lames de course. Forcément, c'est une association qui me tient à cœur, parce que je n’ai pas eu cette chance quand j'étais plus jeune, parce que je n’ai pas eu l'information, je ne savais pas que ces lames de course existaient et qu’elles pouvaient être prêtées. Aujourd'hui, si grâce à ma voix, des familles dans le besoin peuvent en entendre parler et savoir que ça existe pour que leurs enfants puissent bénéficier d'une lame et courir dans la cour, comme tous leurs copains, c'est génial. C'est pour ça que je suis l'ambassadeur de cette association.

On essaie de se faire connaître via des petites courses locales. L'association est située dans le nord de la France, du côté de Berck, mais on équipe des enfants partout en France. L’idée dans ce genre de course, c’est de faire des courses en joëlette, un petit véhicule qui nous permet d'emporter avec nous des enfants en situation de handicap sur les courses et qui est poussé et tiré par les coureurs. Sur ce genre d’événements, on a souvent beaucoup de monde qui nous encourage, et ça permet aussi de faire avancer un peu l'image qu'on peut avoir sur le handicap. Et je pense que c'est toujours très bien accueilli et c'est une très bonne chose.

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