Ugo Didier: “Un sportif en situation de handicap est avant tout un sportif.”

Le paranageur Ugo Didier

Crédit photo : Ralf KUCKUCK

Né avec une malformation qui l’empêche de sauter ou de courir, il s’épanouit dans l’eau mais aussi comme étudiant ingénieur à l’INSA de Toulouse. Originaire d’Île-de-France, il poursuit son ascension à l’échelle internationale et devient champion du monde du 100m dos (S9) en seulement quelques années de pratique. Ayant déjà remporté une médaille d’argent et une médaille de bronze à l’âge de 20 ans lors des Jeux Paralympiques de Tokyo en 2020, il nourrit aujourd’hui le rêve de décrocher l’or pour Paris 2024 en réalisant jusqu’à 11 entraînements par semaine. Il est soutenu par Knauf Insulation à travers le dispositif Pacte de Performance de la Fondation du Sport Français.

Présentez-vous.

Je m’appelle Ugo Didier, j’ai 21 ans. Je suis nageur paralympique et en parallèle de mon engagement sportif, je poursuis des études d’ingénieur à l’Institut National des Sciences Appliquées de Toulouse, pour travailler dans le génie civil.

Pouvez-vous nous présenter votre discipline et les spécificités liées à votre catégorie de handicap ?

Je suis engagé dans la para-natation, un sport qui comprend 15 catégories de handicaps : de 1 à 10 pour les handicaps moteurs et de 11 à 15 pour les handicaps visuels, mentaux et auditifs. En ce qui me concerne, dans la catégorie des handicaps moteurs, ceux de la catégorie 1 ont des handicaps légers et ceux de la catégorie 10 ont des handicaps plus sévères. Personnellement, je concours dans la catégorie 9 (S9). Mon handicap se manifeste principalement par des pieds bots, une malformation congénitale où le pied et la cheville sont tordus, entraînant un déficit de force au niveau des membres inférieurs. J’ai également les membres inférieurs atrophiés. 

Mon handicap a un impact sur mes mouvements dans l’eau, notamment en ce qui concerne les battements et les virages. Il altère également mes ondulations et l’ensemble des mouvements de mes membres inférieurs lorsque je nage. Dans la catégorie dans laquelle je suis, nous n’avons pastous le même handicap, mais ils sont équivalents. Parmi nous, il peut y avoir des personnes amputées, par exemple.

Comment et pourquoi vous-êtes-vous dirigé vers la natation ?

Je me suis tourné vers la natation par défaut. En raison de mes incapacités à courir et sauter, la natation était l’une des rares activités sportives que je pouvais pratiquer tout en épargnant mes membres inférieurs. Je n’étais pas forcément au fait à l’époque que des sports comme le rugby ou le basket fauteuil existaient. Il y avait un club de natation à proximité de chez moi, je voulais aussi apprendre à nager donc ce sont ces circonstances qui m’ont lancé et je ne regrette pas. 

Si je n’avais pas été porteur de handicap, je me serais peut-être orienté vers le football, mais personnellement, je suis content, car la natation correspond à mes aspirations et à ma personnalité, et m’offre tout ce que je recherche dans une activité sportive.

Après avoir obtenu une médaille d’argent pour vos premiers Jeux paralympiques et une médaille d’argent aux championnats du monde en août dernier, quelles sont vos ambitions à l’approche de Paris 2024 ?

Les titres dont je suis le plus fier sont ma médaille d’argent aux Jeux Paralympiques de Tokyo en 2020, remportée en 400 mètres nage libre, ainsi que la médaille de bronze en 200 mètres 4 nages. Tout récemment, j’ai obtenu six médailles aux Championnats du Monde, dont cinq en argent et une en bronze. Aujourd’hui, je vise la médaille d’or aux Jeux paralympiques de Paris 2024. Je n’ai pas eu l’or sur les trois dernières éditions des championnats du monde donc je commence à être un peu habitué à l’argent et j’ai envie d’aller chercher cette médaille d’or qui me fait défaut à Paris. Je compte bien donner le meilleur de moi-même pour représenter la France de la meilleure des manières.

Vous menez un double projet sportif et professionnel, pouvez-vous nous en dire plus ? Comment faites-vous pour mener à bien ces 2 projets ?

Je suis actuellement étudiant et je vais entamer ma quatrième année d’études. Je fréquente l’INSA à Toulouse, une école qui propose un double cursus adapté aux étudiants sportifs de haut niveau. Concrètement, cela signifie que nous bénéficions d’une certaine flexibilité dans notre emploi du temps pour pouvoir concilier nos cours, nos entraînements, nos compétitions et nos stages sportifs. Pour pouvoir jongler entre ces deux engagements, j’ai un aménagement spécifique qui me permettra de valider mon cursus en huit ans au lieu des cinq années habituelles. Si cela nécessite une organisation quotidienne rigoureuse, cela peut être parfois un défi, surtout lorsque mes cours chevauchent deux années scolaires, comme c’est le cas entre ma deuxième et ma troisième année. Généralement, lorsque je m’organise bien, les choses se déroulent sans trop de problèmes. Il est essentiel pour moi de maintenir cet équilibre entre mes études et ma carrière sportive, car j’ai besoin de cette diversité d’expériences et de l’interaction avec d’autres personnes.

Comment la Fondation du Sport Français, vous aide-t-elle avec son dispositif Pacte de Performance ?

J’ai signé avec la Fondation du Sport Français, il y a très peu de temps sur les derniers comités de sélection, cela me permet d’avoir un soutien financier important via un mécénat avec l’entreprise Knauf Insulation. Cette bourse va jouer un rôle essentiel en me permettant de concilier mes deux objectifs, à la fois sportif et académique, tout en assurant mon indépendance financière au quotidien. Ce mécénat me tient particulièrement à cœur, car l’entreprise en question est étroitement liée à mon projet professionnel. En plus de l’aide financière, il y a également l’aspect de la mise en relation avec une entreprise évoluant dans le même domaine d’activité, ce qui constitue un soutien professionnel significatif.

Quel message aimeriez-vous transmettre aux jeunes athlètes en situation de handicap qui aspirent à suivre vos traces ?

Il ne faut pas hésiter à se lancer dans le handisport. Personnellement, j’avais quelques réserves avant de me lancer, car je ne connaissais pas bien le monde du handicap. J’avais des interrogations sur la façon dont je devais interagir avec les personnes en situation de handicap, comment je pouvais pratiquer mon sport avec elles, et j’éprouvais beaucoup d’appréhension. 

Mon message principal serait de ne pas laisser ces appréhensions vous retenir, car un sportif en situation de handicap est avant tout un sportif, avant d’être une personne en situation de handicap. 

Malgré mes propres doutes, j’ai eu la chance de rencontrer des personnes extraordinaires, de vivre des moments forts, de voyager et de participer à des compétitions internationales. Il ne faut pas hésiter à se lancer, car le handisport offre de nombreuses opportunités enrichissantes.

Y a-t-il un sportif ou un entraîneur que vous admirez tout particulièrement ? Si oui, pourquoi ?

Les sportifs que j’admire particulièrement ne sont pas nécessairement les meilleurs sportifs du monde, mais ce sont plutôt mes collègues d’entraînement. J’ai eu la chance d’intégrer des clubs avec des athlètes exceptionnels, qu’ils soient valides ou en situation de handicap, comme au Cercle des Nageurs de Cugnaux, les Dauphins du Toec, ou encore les sportifs de l’équipe de France. Les parcours de vie uniques et inspirants de chacun me poussent à donner le meilleur de moi-même. Leurs histoires personnelles sont captivantes et constituent une véritable source d’inspiration pour moi.

Crédit photo : Ralf KUCKUCK

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